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Transport terrestre - Faute inexcusable, prescription annale et la compensation «sauvage»


Romain Carayol
Avocat - Médiateur – Arbitre - Formateur Président de la Fédération Française des Centres de... En savoir plus sur cet auteur

CHRONIQUE DE JURISPRUDENCE - Cass. com., 13 décembre 2016, n° 15-19509: société Bourguey Montreuil francilienne / société Transports Coutarel – Cassation c/ CA Paris, 12 mars 2015 , 20 janvier 2014 – Mme MOUILLARD, Président – Me Bertrand, SCP MasseDessen, Thouvenin et Coudray, avocats. Publié.


Résumé: une compensation « sauvage » ne permet pas d’interrompre la prescription annale laquelle ne peut être remise en cause que par la fraude ou l’infidélité, indépendantes de la faute inexcusable.

La cour de cassation nous a gâtés. Cette décision est une merveille de précision pour clarifier plusieurs sujets à l’occasion d’un litige d’une banalité de la vie quotidienne des professionnels du transport.

La société Bourguey Montreuil francilienne (société BMF) avait confié à la société Transports Coutarel le transport d'appareils électroménagers. Dans la nuit du 4 au 5 mars 2010, la marchandise a été volée.

Débitrice envers la société Transports Coutarel des frais de diverses opérations de transport, la société BMF prenait la décision, le 25 février 2011, de payer ce qu’elle lui devait, sous déduction d'une somme de 31 072,95 euros, représentant la totalité de la valeur des marchandises dérobées.

Il allait de soi que le transporteur ne pouvait pas accepter cette déduction. La société Transports Coutarel contesta cette réfaction, puis assigna, le 30 septembre 2011, la société BMF en paiement du montant total de ses factures.

Dans la cadre de cette procédure, la société BMF devait former, le 20 juin 2012, une demande reconventionnelle en paiement de la somme de 31 072,95 euros à titre de dommages et intérêts,
en invoquant la faute inexcusable du transporteur, et a demandé la compensation de sa créance de dommages et intérêts avec celle du transporteur.

Le débat juridique posé était celui de l’efficacité de la compensation imposée par la société BMF, et partant de ses effets sur la prescription annale prévue par l’article L 133-6 du code de commerce.


L’intérêt de cette affaire était aussi de porter sur la définition de la faute inexcusable sous le prisme de la fraude et de l’infidélité inscrite dans ce même article L 133-6 du code de commerce pour faire échec à la prescription annale.

En effet, le transporteur soutenait que la demande de dommages et intérêts était prescrite, car formée par voie de conclusions plus d’un an après le vol de la marchandise. De son côté, le commissionnaire estimait que sa compensation avait interrompu la prescription, et que, en tout état de cause, la faute du transporteur était inexcusable, constituant la fraude et/ou l’infidélité permettant d’appliquer la prescription de droit commun (5 ans).

Il est important de rappeler que la cour de cassation avait eu assez peu d’occasion de traiter de la faute inexcusable depuis la création de l’article L 133-8 du code de commerce par la loi n°2009-1503 du 8 décembre 2009 (cf. Com 18 novembre 2017 – pourvoi 13-23194).

La faute inexcusable a remplacé la faute lourde. La faute lourde était une « négligence d’une extrême gravité, confinant au dol et dénotant l’inaptitude du transporteur, maître de son action, à l’accomplissement de la mission contractuelle qu’il a acceptée ». La faute inexcusable est plus grave encore dès lors qu’elle est appréciée comme une faute délibérée.

S’agissant de la compensation, la cour de cassation devait analyser les effets juridiques admis par la cour d’appel, à savoir une compensation imposée par le débiteur des frais de transport, sans que la créance soit certaine, liquide et exigible.

La cour d’appel avait admis la compensation, en rejetant la prescription annale, au motif que le transporteur avait commis une faute inexcusable constitutive d’une fraude ou d’une infidélité au sens de l’article L 133-6 du code de commerce.

La cour de cassation censure cette approche.

Aux visas de l’article L 133-6 (prescription annale) et de l’article L 133-8 (faute inexcusable) du code de commerce, la cour de cassation affirme que seuls les cas de fraude ou d’infidélité prévus par le premier de ces textes, qui ne se confondent pas avec la faute inexcusable prévue par le second, en ce qu’ils supposent de la part du transporteur à l’égard de son cocontractant une volonté malveillante, une déloyauté ou une dissimulation du préjudice causé à l’expéditeur ou au destinataire, sont de nature à faire échec à la prescription d’un an des actions auxquelles peut donner lieu le contrat de transport.

Dès lors, la cour de cassation est d’une grande clarté, la faute inexcusable ne se confond pas avec la fraude et/ou l’infidélité, et ne peut pas faire échec à la prescription acquise sur le fondement de l’article L 133-6 du code de commerce.

S’agissant de la compensation opérée par le commissionnaire, la cour de cassation rappelle qu’une telle opération est interdite par le contrat type général (article 18.2). Dans ces conditions, la compensation est irrégulière car sans fondement ne pouvait pas produire d’effet juridique au temps de sa réalisation par le commissionnaire. La prescription ne pouvait pas avoir été interrompue par une action juridique irrégulière.

Rédigé par le Jeudi 23 Mars 2017

     


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