CARAYOL ACTUALITES
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Décret n° 2022-245 du 25 février 2022 favorisant le recours à la médiation, portant application de la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire et modifiant diverses dispositions – présentation et premières analyses.


Romain Carayol
Avocat - Médiateur – Arbitre - Formateur Président de la Fédération Française des Centres de... En savoir plus sur cet auteur

par Romain CARAYOL, Avocat Médiateur, Président de la Fédération Française des Centres de Médiation (FFCM), Vice Président de l'Association des Médiateurs Européens (AME)


Ce texte porte plusieurs évolutions fortes pour la pratique de la médiation judiciaire.
• Création de la médiation judiciaire dans les textes organisant la procédure devant la Cour de cassation (articles 1012 et 1014 du code de procédure civile).
La première évolution importante est d’intégrer la médiation judiciaire dans l’ordonnancement de la Cour de cassation. L’engagement de Madame Chantal ARENS, Première Présidente de la Cour de cassation, en faveur de la médiation est connu de longue date. Il est à noter que sans attendre le texte, une toute première médiation a déjà été ordonnée devant la cour suprême, avec succès. Cela témoigne ainsi que la médiation a sa place dans tout la structuration juridictionnelle.
Le texte précise que la décision ordonnant la médiation judiciaire est prise après le dépôt des mémoires et s’il y a lieu, après avis du procureur général. Le choix est ainsi fait de caler la médiation dans un temps judiciaire où les arguments juridiques des parties ont été échangés. Vaste sujet celui de déterminer le meilleur moment pour proposer et/ou ordonner la médiation. Devant la Cour de cassation, les dossiers ont déjà un long parcours judiciaire. Il est donc probable que cette organisation du moment de la médiation vise à permettre une certaine dynamique dans un dialogue amiable sans allonger davantage les délais procéduraux. A cet égard, pour ne pas créer de tensions sur le sujet du dilatoire, le texte vient utilement préciser que le président de la formation fixe la durée de la médiation en considération de la date de l’audience qu’il a fixée. La durée de la médiation judiciaire s’inscrit dans le rythme judiciaire sans le perturber.
• L’assistance des parties en médiation judiciaire (article 131-7 du code de procédure civile).
Un paragraphe vient préciser que les parties peuvent être assistées devant le médiateur « par toute personne ayant qualité pour le faire devant la juridiction qui a ordonné la médiation ».
Pour évidente que soit cette précision, elle n’en est pas moins très utile en pratique.
Elle vient ainsi consacrer que toute partie peut être assistée lors de sa participation à une médiation judiciaire. Il s’agit ici d’une clarification nécessaire pour qu’il n’y ait plus de débats sur la présence de l’avocat aux côtés de son client en médiation. Si le client le souhaite, l’avocat pourra assister aux réunions de médiation.
Il restera aux médiateurs à vérifier les autres personnes (donc non avocats) qui seront susceptibles d’assister les parties médiées suivant les limites posées par les textes pour chaque juridiction.
En tout état de cause, le sujet est celui de l’assistance et non de la représentation. En médiation, le principe est toujours de permettre le dialogue direct entre les parties médiées avec le médiateur. La participation d’un avocat ou d’une personne habilitée à assister une personne ne change rien à ce principe.
• La codification de l’injonction d’avoir à rencontrer un médiateur (nouvel article 127-1 du code de procédure civile)
Cette injonction est connue depuis son introduction, en 2019, dans la loi n° 95-125 du 8 février 1995 (article 22-1). Par ce nouveau décret, l’injonction fait son entrée dans le code de procédure civile et devient donc un outil procédural plus efficient encore.
En France, le juge n’a pas le pouvoir d’imposer aux parties une médiation. En revanche, le texte autorise le juge à délivrer aux parties une injonction à rencontrer un médiateur pour les informer sur l’objet et le déroulement d’une mesure de médiation.
Cette injonction est une invitation, un peu forcée, à respecter un temps d’échange avec un médiateur pour envisager, le temps de cette réunion, si le recours à une médiation pourrait être utile, en dépit des apparences judiciaires ou juridiques. Pour être efficace, cette réunion ne doit pas se limiter à la délivrance d’une information théorique sur l’outil de la médiation. Le médiateur doit être en mesure d’appréhender les éléments du dossier pour apprécier lui-même si l’affaire peut être éligible à une médiation. Pour cela, les conditions de la réunion doivent permettre aux parties d’échanger entre elles, avec leurs avocats, et le médiateur. En pratique, cette réunion apporte toujours quelque chose dans le dialogue entre les parties et leurs avocats.
Il est donc heureux que l’injonction soit codifiée.
Il reste que pour parfaire ce temps de l’injonction, il serait utile qu’il soit protégé par la confidentialité, ce qui n’est pas prévu par le texte.
Il est à noter que l’injonction est aussi introduite devant la cour d’appel avec un effet juridique important sur la gestion des délais dits Magendie. L’article 910-2 du code de procédure civile précise que la décision qui enjoint de rencontrer un médiateur en application de l’article 127-1 interrompt les délais impartis pour conclure et former appel incident. Cette conséquence créera peut-être une nouvelle temporalité pour un dialogue amiable à ce stade procédural trop souvent pressurisé et stressant pour les avocats et les parties.

• Les nouvelles relations économiques de la médiation judiciaire (articles 131-3, 131-6, 131-7, 131-13, 1565 du code de procédure civile).
Jusqu’à ce décret, la rémunération de la médiation judiciaire était traitée comme celle d’un expert judiciaire. Le texte prévoyait que la provision devait être consignée, c’est-à-dire payée à la régie d’avances et des recettes de la juridiction qui ordonnait la médiation. Cela posait des difficultés pratiques pour initier les médiations, et beaucoup de médiateurs estimaient que la consignation pouvait biaiser leur posture dans leur travail en reportant leur rémunération à la fin de la mission, et partant au résultat.
Dorénavant, avec le nouveau texte de l’article de l’article 131-6 du code de procédure civile, la provision doit être versée « directement entre les mains du médiateur ». La durée de la médiation commencera à courir à compter de la date de réception de la provision par le médiateur.
Le juge continuera à fixer la première provision à valoir sur la rémunération à un niveau aussi proche que possible de la rémunération prévisible, en précisant le délai de paiement sous peine de caducité.
Ceci posé, l’évolution majeure du décret est de positionner le juge comme recours dans le seul cas de l’absence d’accord entre les parties et le médiateur sur la rémunération du médiateur.
Le décret vient inscrire le rapport à la rémunération du médiateur dans un dialogue entre les parties, leurs avocats et le médiateur.
L’article 131-13 du code de procédure civile vient fixer le principe que la rémunération du médiateur est fixée, à l’issue de sa mission, en accord avec les parties. Cet accord peut aussi faire l’objet d’une homologation judiciaire.
C’est uniquement l’absence d’accord entre les parties et le médiateur qui pourra entraîner l’intervention du juge après un débat technique et, a priori, écrit.
Cette évolution importante militera pour la signature systématique d’une convention de médiation, dans la foulée de la désignation judiciaire, entre le médiateur et les parties médiées. Cette convention de médiation contiendra les conditions tarifaires du médiateur, et fixera ainsi sa politique économique dans le dossier, partagée, discutée et validée entre les parties signataires.

• La force exécutoire de l’accord issu de la médiation et l’acte contresigné par avocats (articles 131-12, 1565, 1568, 1569, 1570 et 1571 du code de procédure civile
La nouvelle version de l’article 131-12 du code de procédure civile vient résoudre une importante difficulté pratique que tous les médiateurs rencontraient avec l’ancienne rédaction de l’article. Cette version prévoyait que les parties pouvaient soumettre à l’homologation du juge « le constat d’accord établi par le médiateur ».
Or, le constat d’accord ne correspondait à aucune réalité concrète. Ses contours n’étaient pas définis.
En pratique, il est acquis (et enseigné) que les médiateurs ne rédigent rien, en laissant le soin aux parties de faire formaliser leur accord par les avocats.
Il y avait néanmoins dans cette ancienne version une source de confusion sur ce que pouvait ou devait faire le médiateur à la fin de sa mission. Cela posait, en creux, le sujet de l’éventuelle responsabilité du médiateur qu’il rédige ou pas un tel constat d’accord.
La nouvelle version de l’article 131-12 clarifie le sujet en indiquant désormais que les parties peuvent soumettre à l’homologation du juge « l’accord issu de la médiation ». Le médiateur n’est plus l’auteur éventuel d’un accord (à noter que le constat d’accord a été utilisé dans l’article 1014 du code de procédure civile qui organise l’homologation devant la Cour de cassation).
Cette approche est renforcée par la possibilité créée de faire apposer la formule exécutoire sur un accord issu d’une médiation qui prendrait la forme d’un acte contresigné par les avocats de toutes les parties.
Le texte porte ici la volonté de valoriser cet outil de l’acte contresigné par les avocats que ces derniers se sont peu appropriés. L’intérêt majeur de l’acte sera de pouvoir obtenir la formule exécutoire par une simple demande au greffe de la juridiction du domicile du demandeur matériellement compétente pour connaître du contentieux de la matière dont relève l’accord. Cela permettra peut-être de faciliter encore davantage le développement des modes amiables si ces demandes de formules exécutoires seront traitées avec célérité par les greffes, déjà bien pris par ailleurs.
Il faut encore préciser que toute personne intéressée peut former une demande aux fins de suppression de la formule exécutoire devant la juridiction dont le greffe a apposé cette formule.
• Création du recours obligatoire à la médiation en cas de trouble anormal de voisinage (article 750-1 du code de procédure civile).
Dans ce décret, pour être complet, à la marge en considération de l’importance des autres évolutions, il est à noter qu’un recours obligatoire à la médiation a été ajoutée, à peine d’irrecevabilité, pour les demandes en justice concernant les troubles anormaux de voisinage.






Rédigé par le Jeudi 2 Juin 2022

     


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