A LIRE dans la revue "LA SEMAINE JURIDIQUE" (JCP éd. G 2013, note 25) une excellente analyse du Professeur PAULIN sur l'arrêt rendu le 27 novembre 2012 par la chambre commerciale de la cour de cassation.
Le contrat de commission de transport : quels critères objectifs pour une qualification subjective ?
La Cour de cassation se prononce une nouvelle fois sur la question de la qualification du contrat,entre contrat de transport et de commission de transport, en présence d'une substitutiond'exécutant.
Christophe Paulin,
Professeur de droit privé, directeur du Master II Droit des transports Université Toulouse I Capitole
Le contrat de commission de transport : quels critères objectifs pour une qualification subjective ?
La Cour de cassation se prononce une nouvelle fois sur la question de la qualification du contrat,entre contrat de transport et de commission de transport, en présence d'une substitutiond'exécutant.
Christophe Paulin,
Professeur de droit privé, directeur du Master II Droit des transports Université Toulouse I Capitole
La Cour (...)
Cass. com., 27 nov. 2012, n° 11-26.830, D : JurisData n° 2012-027408
Sur le moyen unique, pris en ses première, quatrième et cinquième branches :
* Attendu, selon l'arrêt attaqué (CA Paris, 14 sept. 2011), que la société Calberson Europe Ile-de-
France (la société Calberson), chargée par la société Stuurman Chartering BV de l'acheminement
d'ordinateurs de Helen Wijchens (Pays-Bas) à Pantin, s'est substitué la Société d'exploitation des
transports Orhan (la société SETO), qui a effectué le transport par route ; qu'une partie de la
marchandise ayant été dérobée le 30 septembre 2003 au cours du déplacement, la société
Helvetia assurances (la société Helvetia) a indemnisé la société Stuurman Chartering BV de son
préjudice et, ainsi subrogée dans les droits de la société Calberson, son assurée, a, le 19 mars
2008, assigné la société SETO en réparation de son dommage ;
* Attendu que la société Helvetia fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes en les déclarant
prescrites (...)
* Mais attendu que l'arrêt relève que la société Calberson, qui n'a pas réalisé le déplacement des
marchandises dont elle a confié l'exécution à la société SETO, a organisé le transport de bout en
bout à la demande de l'expéditeur ; que, selon l'exposé des faits par l'expert missionné par
l'assureur de la société Calberson, celle-ci est intervenue en qualité de commissionnaire de
transport et que d'après la lettre de voiture internationale, la société Calberson a contracté en son
nom propre ; que de ces constatations et appréciations, d'où il résultait que la société Calberson
s'était engagée à accomplir les actes juridiques nécessaires au déplacement de la marchandise
depuis les Pays-Bas jusqu'à Pantin et disposait pour ce faire d'une latitude suffisante pour
organiser le transport par les voies et moyens de son choix, la cour d'appel a exactement déduit
que la société Calberson avait agi en qualité de commissionnaire de transport ; que le moyen
n'est pas fondé ;
Et attendu que les autres griefs ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Par ces motifs :
* Rejette le pourvoi (...)
La distinction du contrat de transport et du contrat de commission de transport est une question récurrente. Au-delà des enjeux pratiques, elle souligne que, loin d'être une matière de spécialistes, le droit des transports sollicite des principes fondamentaux de droit des contrats. Un expéditeur confie à la société Calberson un transport international de marchandises. Celle-ci sous-traite l'opération à une société Seto, qui procède à un transport routier. La marchandise ayant été dérobée, l'assureur de la société Calberson, qui a indemnisé l'expéditeur, se retourne contre le transporteur. S'agissant d'un transport routier à destination de la France et l'existence d'un contrat de transport entre la société Calberson et le sous-traitant étant incontestable, leurs rapports étaient nécessairement régis par la Convention de Genève du 19 mai 1956 (CMR), impérative.
Or, l'article 32 de la CMR instaure une prescription annale, qui court à compter du trentième jour suivant la date prévue pour la livraison. Le transport ayant été réalisé en 2003, l'action, intentée en 2008, était nettement prescrite. Cependant, la même convention institue un régime particulier lorsque le transport a été réalisé par des « transporteurs successifs ». En ce cas, chaque transporteur est responsable de la totalité de l'opération (art. 34) et celui qui a indemnisé l'expéditeur peut exercer un recours contre le responsable du dommage (art. 37). Ce recours est soumis à la prescription annale mais celle-ci court à compter du paiement de l'indemnité. C'est donc en invoquant cette disposition que l'assureur de la société Calberson réclamait paiement au sous-traitant.
La CMR, cependant, régit uniquement le contrat de transport et le report de prescription suppose que les transporteurs successifs interviennent en vertu d'un contrat unique, évidemment de transport, avec l'expéditeur. Le débat aurait pu s'arrêter ici : il était manifeste que les différents protagonistes n'étaient pas liés par un même contrat, la société Calberson ayant contracté en son nom. Néanmoins, la cour d'appel avait rejeté la demande de l'assureur en invoquant l'existence d'un contrat de commission liant la société Calberson à l'expéditeur et le pourvoi contestait cette qualification. En effet, la présence d'un contrat de commission excluait que l'on se trouve en présence de « transporteurs successifs », l'un des intervenants n'étant précisément pas un transporteur, mais un commissionnaire.
La chambre commerciale de la Cour de cassation rejette le pourvoi, estimant qu'il ressort des constatations de la cour d'appel que la société Calberson s'était engagée à accomplir les actes juridiques nécessaires au déplacement de la marchandise, qu'elle disposait d'une latitude suffisante pour organiser le transport, de sorte que les juges du fond en avaient exactement déduit qu'elle avait agi en qualité de commissionnaire de transport et non de transporteur.
L'arrêt permet ainsi de souligner la spécificité du contrat de commission de transport, et de s'interroger sur ses critères de qualification.
LA SUITE, à lire dans la revue "LA SEMAINE JURIDIQUE". merci au Professeur PAULIN
Cass. com., 27 nov. 2012, n° 11-26.830, D : JurisData n° 2012-027408
Sur le moyen unique, pris en ses première, quatrième et cinquième branches :
* Attendu, selon l'arrêt attaqué (CA Paris, 14 sept. 2011), que la société Calberson Europe Ile-de-
France (la société Calberson), chargée par la société Stuurman Chartering BV de l'acheminement
d'ordinateurs de Helen Wijchens (Pays-Bas) à Pantin, s'est substitué la Société d'exploitation des
transports Orhan (la société SETO), qui a effectué le transport par route ; qu'une partie de la
marchandise ayant été dérobée le 30 septembre 2003 au cours du déplacement, la société
Helvetia assurances (la société Helvetia) a indemnisé la société Stuurman Chartering BV de son
préjudice et, ainsi subrogée dans les droits de la société Calberson, son assurée, a, le 19 mars
2008, assigné la société SETO en réparation de son dommage ;
* Attendu que la société Helvetia fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes en les déclarant
prescrites (...)
* Mais attendu que l'arrêt relève que la société Calberson, qui n'a pas réalisé le déplacement des
marchandises dont elle a confié l'exécution à la société SETO, a organisé le transport de bout en
bout à la demande de l'expéditeur ; que, selon l'exposé des faits par l'expert missionné par
l'assureur de la société Calberson, celle-ci est intervenue en qualité de commissionnaire de
transport et que d'après la lettre de voiture internationale, la société Calberson a contracté en son
nom propre ; que de ces constatations et appréciations, d'où il résultait que la société Calberson
s'était engagée à accomplir les actes juridiques nécessaires au déplacement de la marchandise
depuis les Pays-Bas jusqu'à Pantin et disposait pour ce faire d'une latitude suffisante pour
organiser le transport par les voies et moyens de son choix, la cour d'appel a exactement déduit
que la société Calberson avait agi en qualité de commissionnaire de transport ; que le moyen
n'est pas fondé ;
Et attendu que les autres griefs ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Par ces motifs :
* Rejette le pourvoi (...)
La distinction du contrat de transport et du contrat de commission de transport est une question récurrente. Au-delà des enjeux pratiques, elle souligne que, loin d'être une matière de spécialistes, le droit des transports sollicite des principes fondamentaux de droit des contrats. Un expéditeur confie à la société Calberson un transport international de marchandises. Celle-ci sous-traite l'opération à une société Seto, qui procède à un transport routier. La marchandise ayant été dérobée, l'assureur de la société Calberson, qui a indemnisé l'expéditeur, se retourne contre le transporteur. S'agissant d'un transport routier à destination de la France et l'existence d'un contrat de transport entre la société Calberson et le sous-traitant étant incontestable, leurs rapports étaient nécessairement régis par la Convention de Genève du 19 mai 1956 (CMR), impérative.
Or, l'article 32 de la CMR instaure une prescription annale, qui court à compter du trentième jour suivant la date prévue pour la livraison. Le transport ayant été réalisé en 2003, l'action, intentée en 2008, était nettement prescrite. Cependant, la même convention institue un régime particulier lorsque le transport a été réalisé par des « transporteurs successifs ». En ce cas, chaque transporteur est responsable de la totalité de l'opération (art. 34) et celui qui a indemnisé l'expéditeur peut exercer un recours contre le responsable du dommage (art. 37). Ce recours est soumis à la prescription annale mais celle-ci court à compter du paiement de l'indemnité. C'est donc en invoquant cette disposition que l'assureur de la société Calberson réclamait paiement au sous-traitant.
La CMR, cependant, régit uniquement le contrat de transport et le report de prescription suppose que les transporteurs successifs interviennent en vertu d'un contrat unique, évidemment de transport, avec l'expéditeur. Le débat aurait pu s'arrêter ici : il était manifeste que les différents protagonistes n'étaient pas liés par un même contrat, la société Calberson ayant contracté en son nom. Néanmoins, la cour d'appel avait rejeté la demande de l'assureur en invoquant l'existence d'un contrat de commission liant la société Calberson à l'expéditeur et le pourvoi contestait cette qualification. En effet, la présence d'un contrat de commission excluait que l'on se trouve en présence de « transporteurs successifs », l'un des intervenants n'étant précisément pas un transporteur, mais un commissionnaire.
La chambre commerciale de la Cour de cassation rejette le pourvoi, estimant qu'il ressort des constatations de la cour d'appel que la société Calberson s'était engagée à accomplir les actes juridiques nécessaires au déplacement de la marchandise, qu'elle disposait d'une latitude suffisante pour organiser le transport, de sorte que les juges du fond en avaient exactement déduit qu'elle avait agi en qualité de commissionnaire de transport et non de transporteur.
L'arrêt permet ainsi de souligner la spécificité du contrat de commission de transport, et de s'interroger sur ses critères de qualification.
LA SUITE, à lire dans la revue "LA SEMAINE JURIDIQUE". merci au Professeur PAULIN