CARAYOL ACTUALITES

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Rédigé par le Dimanche 1 Janvier 2023 | Commentaires (0)

ACTUALITES CARAYOL CONSEILS


par Romain CARAYOL, Avocat Médiateur, Président de la Fédération Française des Centres de Médiation (FFCM), Vice Président de l'Association des Médiateurs Européens (AME)


La confidentialité en médiation est essentielle. Elle est souvent comprise par l’interdit qu’elle pose, à savoir l’impossibilité de divulguer les échanges aux tiers. Elle est surtout la clef de voute de l’édifice. Elle permet de sécuriser les participants pour qu’ils puissent se concentrer sur leur travail en commun, en responsabilité et en bonne intelligence. Il faut encore que cette sécurité soit effective. Qu’en est-il concrètement ? C’est le sujet de cette fiche pratique.
Les textes et la définition de la confidentialité en médiation
Le texte fondateur en France est la Loi 95-125 du 08/02/1995 (relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative). Son article 21-3 affirme que sauf accord des parties, la médiation est soumise au principe de confidentialité. L’alinéa 2 précise que les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d'une instance judiciaire ou arbitrale sans l'accord des parties.
Ce principe est décliné dans tous les textes régissant les différents espaces de déploiement de la médiation : médiation judiciaire (article 131-14 du code de procédure civile), médiation conventionnelle (article 1531 du code de procédure civile), médiation administrative (article L 213-2 du code de justice administrative), ou encore médiation de la consommation (article L 612-3 du code la consommation).
Les exceptions à cette confidentialité sont également prévues par la Loi du 08/02/1995 :
• En présence de raisons impérieuses d'ordre public ou de motifs liés à la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant ou à l'intégrité physique ou psychologique de la personne ;
• Lorsque la révélation de l'existence ou la divulgation du contenu de l'accord issu de la médiation est nécessaire pour sa mise en œuvre ou son exécution.
La confidentialité est donc un principe général de la médiation.
Il reste qu’en pratique, il est utile de baliser l’usage de la confidentialité avec les participants (parties médiées, parties prenantes, avocats, experts, etc…). En toutes circonstances, il est important de faire signer une convention de médiation pour bien cadrer les différentes dimensions de la mission, dont la confidentialité (à noter : c’est toujours le médiateur ou le centre de médiation qui fournit le projet de convention).
Les personnes concernées.
Toute personne qui participe à une médiation est, par principe, soumise à la confidentialité. Cela va de soi pour les parties identifiées à un procès qui acceptent d’entrer en médiation et les signataires de la convention de médiation proposée par le médiateur.
Il est fréquent que ces parties apparentes ne soient pas les seules à avoir une place directe ou indirecte dans les échanges qui se tiendront en médiation. Le médiateur doit veiller à cette dimension en interrogeant ses interlocuteurs sur l’existence de personnes physiques ou morales qui peuvent avoir une importance dans les échanges et sur le chemin d’un accord : membres de la famille, associés, supérieur hiérarchique, services ou départements, filiales, autres entités, organe collégial décisionnaire, etc…
La confidentialité doit permettre de sécuriser les échanges, et non de les rendre impossible en refusant d’étendre le nombre des participants suivant les besoins tout au long du processus.
Aussi, il est utile de prévoir dans la convention de médiation le principe suivant lequel tout participant à la médiation devra respecter la confidentialité. Formulé ainsi, la convention autorise une participation évolutive et contrôlée (par la tenue d’une feuille de présence lors des réunions de médiation). Il reste que pour sécuriser au mieux cette évolution, il est toujours mieux de faire signer un engagement de confidentialité autonome par des personnes qui viendrait à intervenir en médiation alors qu’elles n’étaient pas identifiées à l’origine.
Suivant la même idée prudentielle, il sera toujours nécessaire de poser la question du recours à un engagement de confidentialité à tout technicien dont l’expertise sera sollicitée pour objectiver des points de discordes (évaluation d’un bien immobilier, évaluation d’une participation capitalistique, analyse techniques diverses …).
Les informations, données, et pièces.
Il s’agit de définir le périmètre de la confidentialité et de comprendre son fonctionnement. Il est important de préciser que l’entrée en médiation n’entraîne pas que tout ce qui existait dans un débat antérieur devient confidentiel.
Les faits constants déjà connus et les pièces déjà communiquées restent des données partagées sans que la médiation leur confère une quelconque confidentialité.
En revanche, les nouvelles informations et pièces qui sont communiquées à la faveur de la médiation sont couvertes par la confidentialité (sauf autre accord des parties). Il faut préciser qu’il ne s’agit pas de couvrir une illégalité mais bien de protéger le caractère sensible d’une information ou pièce qui n’aurait sans doute jamais surgi dans un autre contexte que celui d’un dialogue sécurisé (secret de famille, secret des affaires, savoir-faire, projets divers, investissements, etc…).
En pratique, il est utile pour les parties et leurs avocats d’identifier les pièces communiquées en médiation par l’usage d’un bordereau de communication et d’une numérotation propre à la médiation. Chaque partie et son avocat peuvent également décider de communiquer uniquement au médiateur, qui, dans ce cas, devra garder le secret sur l’existence et le contenu de cette communication.
Ceci posé, le régime de la pièce communiquée pour les seuls besoins de la médiation mérite sans doute d’être encore davantage sécurisé.
En effet, la reconnaissance du droit à la preuve par la Cour de cassation peut fragiliser la sécurité de la communication d’une nouvelle pièce en médiation (Civ. 1re, 5 avr. 2012, n° 11-14.177 P, D. 2012. 1596, note G. Lardeux ; ibid. 2826, obs. P. Delebecque, J.-D. Bretzner et I. Darret-Courgeon ; ibid. 2013. 269, obs. N. Fricero; ibid. 457, obs. E. Dreyer; RTD civ. 2012. 506, obs. J. Hauser; E. Vergès, Le droit à la preuve: la consécration d’un principe et d’une méthode d’analyse de la licéité des preuves – La Cour de cassation consacre le droit à la preuve comme un nouveau principe général de procédure civile; E Vergès, G. Vial et O. Leclerc, Droit de la preuve, PUF, Thémis, 2015, nos 273 s.).
La Cour de cassation admet la demande de pièces (et donc le droit à la preuve), sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, suivant des conditions à vérifier par le juge : un motif légitime, la préservation des droits de la partie en demande, et l’absence d’atteinte disproportionnée aux droits de l'autre partie au regard de l'objectif poursuivi (Civ. 2e, 25 mars 2021, n° 20-14.309 ; Civ. 2e, 10 juin 2021, n° 20-11.987 ; Soc. 22 sept. 2021, n° 19-26.144).
Pour l’heure, ce droit à la preuve n’a jamais été utilisé pour obtenir une pièce communiquée dans le cadre d’une médiation, et donc en remettant en cause la confidentialité du processus.
Par ailleurs, s’agissant des rapports et avis de techniciens qui sont souvent sollicités dans les médiations, la confidentialité s’applique par principe à ces données. Pour autant, en pratique, il est nécessaire de poser le sujet avant de missionner le technicien dès lors que le fruit de son travail sera une référence, en tout ou partie, pour la suite des échanges dans la médiation.
La convention de médiation et la clause de confidentialité
Pour toutes les médiations, une convention de médiation sera toujours utile pour venir compléter les textes applicables.
Une clause de confidentialité peut ainsi être intégrée pour clarifier le régime de la communication de pièces nouvelles. Cette clause pourrait sécuriser les parties en indiquant que si une pièce et/ou information nouvelle est communiquée dans la médiation, elle est protégée par la confidentialité du processus, mais la partie à l’origine de cette communication pourra l’utiliser ultérieurement dans l’hypothèse où la médiation n’aboutirait pas à un accord.
La confidentialité et le médiateur : le secret professionnel.
Le médiateur est le garant du processus, et donc de la confidentialité de déclarations et informations qu’il reçoit.
L’article 226-13 du code pénal punit d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende, la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui est en dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire.
Au regard de la loi pénale, nous pouvons considérer que le médiateur est tenu par un secret professionnel.
Cela peut renforcer sa place dans la sécurisation de la confidentialité de la médiation. En effet, s’agissant du droit à la preuve, la Cour de cassation considère que le secret professionnel est un obstacle absolu à une demande de preuve. Une preuve dévoilant un secret professionnel doit être déclarée irrecevable (ex : secret professionnel d'une assistante sociale - Civ. 2e, 24 juin 1992, no 90-18.021, Bull. civ. II, no 173 ; RTD civ. 1993. 104, obs. J. Hauser - d'un prêtre - Civ. 2e, 23 avr. 1966, Bull. civ. II, no 476- d’un notaire - Civ. 1re, 13 nov. 1996, no 94-17.088 , Bull. civ. I, no 398 ; D. 1996. 264 -d'un expert-comptable - Com. 8 févr. 2005, no 02-11.044, Bull. civ. IV, no 22; D. 2005. 774, obs. V. Avena-Robardet; RTD civ. 2005. 384, obs. J. Mestre et B. Fages - ou encore de celui des membres et des agents de l'Autorité des marchés financiers. – Com. 31 mai 2005, no 03-18.211)
Les actions en situation de violation de la confidentialité
En pratique, cette situation est rare. En cas de violation de la confidentialité, le mal sera sans doute fait mais il restera possible d’agir.
Dans l’hypothèse de révélation de déclarations et d’informations dans le cadre d’une instance judiciaire, il sera possible de créer un incident de procédure pour demander le retrait des pièces ou informations révélées.
En tout état de cause, la jurisprudence admet les demandes indemnitaires pour réparer la violation de clauses de confidentialité. La violation de la confidentialité de la médiation pourra nécessairement justifier l’octroi de dommages et intérêts.



Rédigé par le Jeudi 2 Juin 2022 | Commentaires (0)

par Romain CARAYOL, Avocat Médiateur, Président de la Fédération Française des Centres de Médiation (FFCM), Vice Président de l'Association des Médiateurs Européens (AME)


Ce texte porte plusieurs évolutions fortes pour la pratique de la médiation judiciaire.
• Création de la médiation judiciaire dans les textes organisant la procédure devant la Cour de cassation (articles 1012 et 1014 du code de procédure civile).
La première évolution importante est d’intégrer la médiation judiciaire dans l’ordonnancement de la Cour de cassation. L’engagement de Madame Chantal ARENS, Première Présidente de la Cour de cassation, en faveur de la médiation est connu de longue date. Il est à noter que sans attendre le texte, une toute première médiation a déjà été ordonnée devant la cour suprême, avec succès. Cela témoigne ainsi que la médiation a sa place dans tout la structuration juridictionnelle.
Le texte précise que la décision ordonnant la médiation judiciaire est prise après le dépôt des mémoires et s’il y a lieu, après avis du procureur général. Le choix est ainsi fait de caler la médiation dans un temps judiciaire où les arguments juridiques des parties ont été échangés. Vaste sujet celui de déterminer le meilleur moment pour proposer et/ou ordonner la médiation. Devant la Cour de cassation, les dossiers ont déjà un long parcours judiciaire. Il est donc probable que cette organisation du moment de la médiation vise à permettre une certaine dynamique dans un dialogue amiable sans allonger davantage les délais procéduraux. A cet égard, pour ne pas créer de tensions sur le sujet du dilatoire, le texte vient utilement préciser que le président de la formation fixe la durée de la médiation en considération de la date de l’audience qu’il a fixée. La durée de la médiation judiciaire s’inscrit dans le rythme judiciaire sans le perturber.
• L’assistance des parties en médiation judiciaire (article 131-7 du code de procédure civile).
Un paragraphe vient préciser que les parties peuvent être assistées devant le médiateur « par toute personne ayant qualité pour le faire devant la juridiction qui a ordonné la médiation ».
Pour évidente que soit cette précision, elle n’en est pas moins très utile en pratique.
Elle vient ainsi consacrer que toute partie peut être assistée lors de sa participation à une médiation judiciaire. Il s’agit ici d’une clarification nécessaire pour qu’il n’y ait plus de débats sur la présence de l’avocat aux côtés de son client en médiation. Si le client le souhaite, l’avocat pourra assister aux réunions de médiation.
Il restera aux médiateurs à vérifier les autres personnes (donc non avocats) qui seront susceptibles d’assister les parties médiées suivant les limites posées par les textes pour chaque juridiction.
En tout état de cause, le sujet est celui de l’assistance et non de la représentation. En médiation, le principe est toujours de permettre le dialogue direct entre les parties médiées avec le médiateur. La participation d’un avocat ou d’une personne habilitée à assister une personne ne change rien à ce principe.
• La codification de l’injonction d’avoir à rencontrer un médiateur (nouvel article 127-1 du code de procédure civile)
Cette injonction est connue depuis son introduction, en 2019, dans la loi n° 95-125 du 8 février 1995 (article 22-1). Par ce nouveau décret, l’injonction fait son entrée dans le code de procédure civile et devient donc un outil procédural plus efficient encore.
En France, le juge n’a pas le pouvoir d’imposer aux parties une médiation. En revanche, le texte autorise le juge à délivrer aux parties une injonction à rencontrer un médiateur pour les informer sur l’objet et le déroulement d’une mesure de médiation.
Cette injonction est une invitation, un peu forcée, à respecter un temps d’échange avec un médiateur pour envisager, le temps de cette réunion, si le recours à une médiation pourrait être utile, en dépit des apparences judiciaires ou juridiques. Pour être efficace, cette réunion ne doit pas se limiter à la délivrance d’une information théorique sur l’outil de la médiation. Le médiateur doit être en mesure d’appréhender les éléments du dossier pour apprécier lui-même si l’affaire peut être éligible à une médiation. Pour cela, les conditions de la réunion doivent permettre aux parties d’échanger entre elles, avec leurs avocats, et le médiateur. En pratique, cette réunion apporte toujours quelque chose dans le dialogue entre les parties et leurs avocats.
Il est donc heureux que l’injonction soit codifiée.
Il reste que pour parfaire ce temps de l’injonction, il serait utile qu’il soit protégé par la confidentialité, ce qui n’est pas prévu par le texte.
Il est à noter que l’injonction est aussi introduite devant la cour d’appel avec un effet juridique important sur la gestion des délais dits Magendie. L’article 910-2 du code de procédure civile précise que la décision qui enjoint de rencontrer un médiateur en application de l’article 127-1 interrompt les délais impartis pour conclure et former appel incident. Cette conséquence créera peut-être une nouvelle temporalité pour un dialogue amiable à ce stade procédural trop souvent pressurisé et stressant pour les avocats et les parties.

• Les nouvelles relations économiques de la médiation judiciaire (articles 131-3, 131-6, 131-7, 131-13, 1565 du code de procédure civile).
Jusqu’à ce décret, la rémunération de la médiation judiciaire était traitée comme celle d’un expert judiciaire. Le texte prévoyait que la provision devait être consignée, c’est-à-dire payée à la régie d’avances et des recettes de la juridiction qui ordonnait la médiation. Cela posait des difficultés pratiques pour initier les médiations, et beaucoup de médiateurs estimaient que la consignation pouvait biaiser leur posture dans leur travail en reportant leur rémunération à la fin de la mission, et partant au résultat.
Dorénavant, avec le nouveau texte de l’article de l’article 131-6 du code de procédure civile, la provision doit être versée « directement entre les mains du médiateur ». La durée de la médiation commencera à courir à compter de la date de réception de la provision par le médiateur.
Le juge continuera à fixer la première provision à valoir sur la rémunération à un niveau aussi proche que possible de la rémunération prévisible, en précisant le délai de paiement sous peine de caducité.
Ceci posé, l’évolution majeure du décret est de positionner le juge comme recours dans le seul cas de l’absence d’accord entre les parties et le médiateur sur la rémunération du médiateur.
Le décret vient inscrire le rapport à la rémunération du médiateur dans un dialogue entre les parties, leurs avocats et le médiateur.
L’article 131-13 du code de procédure civile vient fixer le principe que la rémunération du médiateur est fixée, à l’issue de sa mission, en accord avec les parties. Cet accord peut aussi faire l’objet d’une homologation judiciaire.
C’est uniquement l’absence d’accord entre les parties et le médiateur qui pourra entraîner l’intervention du juge après un débat technique et, a priori, écrit.
Cette évolution importante militera pour la signature systématique d’une convention de médiation, dans la foulée de la désignation judiciaire, entre le médiateur et les parties médiées. Cette convention de médiation contiendra les conditions tarifaires du médiateur, et fixera ainsi sa politique économique dans le dossier, partagée, discutée et validée entre les parties signataires.

• La force exécutoire de l’accord issu de la médiation et l’acte contresigné par avocats (articles 131-12, 1565, 1568, 1569, 1570 et 1571 du code de procédure civile
La nouvelle version de l’article 131-12 du code de procédure civile vient résoudre une importante difficulté pratique que tous les médiateurs rencontraient avec l’ancienne rédaction de l’article. Cette version prévoyait que les parties pouvaient soumettre à l’homologation du juge « le constat d’accord établi par le médiateur ».
Or, le constat d’accord ne correspondait à aucune réalité concrète. Ses contours n’étaient pas définis.
En pratique, il est acquis (et enseigné) que les médiateurs ne rédigent rien, en laissant le soin aux parties de faire formaliser leur accord par les avocats.
Il y avait néanmoins dans cette ancienne version une source de confusion sur ce que pouvait ou devait faire le médiateur à la fin de sa mission. Cela posait, en creux, le sujet de l’éventuelle responsabilité du médiateur qu’il rédige ou pas un tel constat d’accord.
La nouvelle version de l’article 131-12 clarifie le sujet en indiquant désormais que les parties peuvent soumettre à l’homologation du juge « l’accord issu de la médiation ». Le médiateur n’est plus l’auteur éventuel d’un accord (à noter que le constat d’accord a été utilisé dans l’article 1014 du code de procédure civile qui organise l’homologation devant la Cour de cassation).
Cette approche est renforcée par la possibilité créée de faire apposer la formule exécutoire sur un accord issu d’une médiation qui prendrait la forme d’un acte contresigné par les avocats de toutes les parties.
Le texte porte ici la volonté de valoriser cet outil de l’acte contresigné par les avocats que ces derniers se sont peu appropriés. L’intérêt majeur de l’acte sera de pouvoir obtenir la formule exécutoire par une simple demande au greffe de la juridiction du domicile du demandeur matériellement compétente pour connaître du contentieux de la matière dont relève l’accord. Cela permettra peut-être de faciliter encore davantage le développement des modes amiables si ces demandes de formules exécutoires seront traitées avec célérité par les greffes, déjà bien pris par ailleurs.
Il faut encore préciser que toute personne intéressée peut former une demande aux fins de suppression de la formule exécutoire devant la juridiction dont le greffe a apposé cette formule.
• Création du recours obligatoire à la médiation en cas de trouble anormal de voisinage (article 750-1 du code de procédure civile).
Dans ce décret, pour être complet, à la marge en considération de l’importance des autres évolutions, il est à noter qu’un recours obligatoire à la médiation a été ajoutée, à peine d’irrecevabilité, pour les demandes en justice concernant les troubles anormaux de voisinage.







Rédigé par le Jeudi 2 Juin 2022 | Commentaires (0)

par Romain CARAYOL, Avocat Médiateur, Président de la Fédération Française des Centres de Médiation (FFCM), Vice Président de l'Association des Médiateurs Européens (AME)


Avocat depuis décembre 1997, j’ai été formé au contentieux civil et commercial. J’ai été à l’école de la castagne judiciaire, forgé à la conviction de mes Maîtres que la négociation commence par le rapport de forces posé par l’acte d’huissier de justice, fixant ainsi la vérité des clients en référentielle de l’issue amiable.

Mon activité est aujourd’hui répartie entre les missions d’avocat, de médiateur inscrit sur les listes des cours d’appel de Paris, Toulouse et Basse-Terre (Guadeloupe), et d’arbitre interne.

L’arbitrage est venu à moi par l’exercice d’un mandat d’élu au conseil de l’ordre des avocats de Paris (élection en 2014), dont l’une des nombreuses missions peut être celle d’arbitre (au nom du Bâtonnier) pour trancher les litiges entre avocats sur des problématiques de la vie courante d’un cabinet d’avocats (locaux, association, sous-traitance, etc…). A la fin de mon mandat, j’ai eu l’opportunité et la chance d’être choisi comme arbitre par plusieurs confrères et leurs clients pour des litiges entre sociétés commerciales en France métropolitaine et surtout en Guadeloupe.

Devenir arbitre a été une nouvelle posture à adopter. L’avocat défend une position, le médiateur tente de restaurer le lien et l’arbitre juge.

Chacune de ces missions est exigeante. Celle de juger a cela de troublant qu’elle nous donne un pouvoir sur le sort d’une relation – quelle que soit sa nature – par la décision que nous rendons.

Ce fut pour moi d’une complexité inouïe. Il ne s’agissait plus seulement que je reçoive et analyse les positions des parties (ce qui ne diffère guère de l’avocat ou du médiateur), je devais trancher en droit et en équité. Dire la vérité judiciaire.

Trancher, quelle responsabilité ! J’en ai passé des nuits blanches à réfléchir aux concepts juridiques pour envisager des solutions justes, sans sombrer dans le jugement de Salomon.

Aujourd’hui, j’ai intégré la dimension et je dois admettre que j’ai appris à l’apprécier.
Je dois même avouer que ma plus grande satisfaction a été de lire la première décision rendue par une cour d’appel venant confirmer une sentence que j’avais rédigée. J’ai alors sans doute saisi ce qu’une construction de jurisprudence pouvait avoir de sens dans le travail d’un juge.

Sur le rôle de l’arbitre lui-même dans la construction d’une solution alternative, il y a des points communs avec la médiation qui m’ont permis d’apprécier l’exercice avec d’autant plus de plaisir.

Il y a en effet des fondamentaux sur les sujets de la responsabilité des parties, la confidentialité des processus, le recours possible à l’équité, la gestion du temps et de l’argent.

Sur la responsabilité des parties.

Dans le processus de la médiation, la responsabilité des parties se comprend par l’acceptation du recours à la médiation, et surtout par la recherche d’une solution par la confrontation et la mutation de leurs positions respectives.

De la même façon, dans la genèse de l’arbitrage, la procédure ne fonctionne pas sans l’implication des parties et de leurs avocats.

Concrètement, l’arbitre est dans un rôle dynamique avec les avocats et les parties pour construire toute la procédure de l’arbitrage. Il existe un premier temps de discussion pour élaborer le contrat par lequel arbitre, parties et avocats vont s’engager dans la procédure.

Tout est discuté, souvent à l’occasion d’une audience dite de procédure, réunissant tout le monde. On y débat du périmètre du litige, des pièces à communiquer, des éventuelles mesures conservatoires, de la confidentialité, des modalités de communications entre les parties et le tribunal arbitral, de la durée de la procédure, sans oublier le coût prévisible de l’arbitre.

Ce temps est essentiel. Je vois les parties comprendre l’importance de tous ces sujets en se positionnant à l’égard de leur adversaire qu’ils peuvent déjà jauger. Je vois souvent à cette occasion des moments de concertation dans un intérêt commun bien compris. J’ai même vu récemment qu’en apprenant à organiser ce temps, par une responsabilité mutuelle partagée, les parties avaient réussi à se parler pour trouver un accord.

Sur la confidentialité.

Dans le processus de la médiation, la confidentialité est un levier puissant pour construire une voie sécurisée vers une éventuelle solution.

Suivant la même idée de sécurité des parties, la procédure d’arbitrage interne est soumise au principe de confidentialité.

Concrètement, cette confidentialité permet de construire la confiance du recours à l’arbitrage. Dans les procédures que j’ai vécu, j’ai aussi surtout compris que les sociétés appréciaient ce doux secret leur permettant de s’assurer la non divulgation de secret de fabrique, ou le mystère d’un savoir-faire, ou encore de préserver la réputation d’une enseigne ou d’une marque (J’ai vu la puissance de cette dimension aux Antilles, et en particulier en Guadeloupe).

En outre, cette confidentialité ne libère pas nécessairement la parole, mais elle oriente clairement vers une loyauté des débats sans pour autant rien enlever à la vivacité des échanges.


Sur le recours possible à l’équité.

Les parties définissent si l’arbitre ou les arbitres doivent statuer en droit ou en équité (« en amiable composition » étant une autre terminologie), susceptible ou non d’appel.

Concrètement, l’arbitre peut donner une solution qui serait davantage en phase avec la dimension « business » des acteurs en litige. C’est une approche appréciée des entreprises qui voient ainsi une perspective pragmatique. Cela reste néanmoins une difficulté intellectuelle pour l’arbitre car il ne doit pas verser dans une apparente partialité en faveur d’une partie. En pratique, j’ai fait le choix de toujours justifier mes décisions en droit pour ne pas donner prise à cette critique.

Mais, ceci posé, pour illustrer mon propos, cela peut être la réduction ou suppression de dommages et intérêts en dépit d’une clause contractuelle les imposant.


Sur le temps.

A l’instar de la médiation, le temps de l’arbitrage doit être rapide, rythmé avec des échéances visibles. Sauf autre disposition entre les parties, une procédure d’arbitrage doit permettre le rendu d’une sentence dans un délai de 6 mois.

C’est un point essentiel dans la pratique de l’arbitrage. L’arbitre doit rythmer la procédure dans un cadre contractuel organisé avec les parties et leurs avocats. Par principe, il n’y a pas de report des échéances. L’arbitre fait œuvre de discipline et d’autorité.

Sur le coût.

En France, il paraît incongru de payer pour avoir accès au juge, et encore davantage de payer son juge pour obtenir une décision. C’est un système de pensées et de valeurs. L’accès gratuit au juge est un dogme français, là où le monde anglo-saxon a construit un monde judiciaire opposé.

L’arbitrage est une procédure payante. Les parties payent leur juge pour avoir une décision.

Dans l’esprit du public, il y a les dossiers médiatiques qui surgissent parfois avec des enjeux financiers importants. On pense que cet outil ne concerne pas les « petits » litiges économiques, donc l’essentiel du tissu socio-économique français constitué de petites et moyennes entreprises.

C’est une fausse idée. Ma pratique d’arbitre touche les petites et moyennes entreprises locales pour des litiges de cession de fonds de commerce, de construction, de rupture de contrats commerciaux, de cession de biens immobiliers. Les enjeux financiers oscillent entre 30.000 euros et 2 millions d’euros. Les honoraires ont été souvent proportionnés aux enjeux financiers, dès lors que le temps consacré est aussi proportionnellement plus important.



Rédigé par le Jeudi 2 Juin 2022 | Commentaires (0)

par Romain CARAYOL, Avocat Médiateur, Président de la Fédération Française des Centres de Médiation (FFCM), Vice Président de l'Association des Médiateurs Européens (AME)


La relation humaine entre associé(e)s est toujours une dimension essentielle.
De l’union initiale, parfaite, et tellement évidente, il en va du destin qui peut conduire vers le retrait, le désengagement et la rupture.
Le chemin de l’association peut se terminer dans les larmes de l’amertume et la guerre des euros, des locaux, des clients, et des collaborateurs.
Le recours à la médiation, processus structuré, confidentiel, peut se révéler un puissant outil d’anticipation utile dans le management des difficultés d’une entreprise, au service de la fluidité des relations et donc de la performance économique.
Le rôle de l’entreprise dans la société est aujourd’hui posé par son implication dans son environnement, et l’adoption d’une politique de responsabilité sociale de l’entreprise (plus connue par son acronyme RSE). Il ne s’agit pas seulement de l’empreinte environnementale au sens de la pollution, mais de la forme de son management et de sa gouvernance pour améliorer la qualité de vie de ses équipes et la qualité des relations avec ses partenaires.
Dans cet esprit, une entreprise vertueuse est une entreprise « contributive » qui s’oppose à l’entreprise « prédatrice ». Une entreprise contributive prend soin de la préservation et du renouvellement de ses ressources (humaines, naturelles, matérielles, financières) pour développer une performance globale dont la rentabilité et les résultats financiers sont renforcés par un fort engagement humain et sociétal.
Les rapports écrits ces derniers temps sur le sujet font également le constat qu’à l’échelle internationale, les notations des dirigeants intègrent désormais l’analyse de cette performance globale dans le management de l’entreprise sur ses fondamentaux financiers, sociaux, économiques et environnementaux (v. rapports Terra Nova : Richer M., « L’entreprise contributive – 21 propositions pour une gouvernance responsable », 5 mars 2018 ; Notat N. et Sénard J.-D., « L’entreprise, objet d’intérêt collectif », 9 mars 2018)
Dans une certaine mesure, le projet de loi PACTE actuellement en débat est une conséquence de cette tendance amorcée depuis des années avec la RSE et les objectifs de développements durables de COP 21.
L’avocat(e) associé(e) de sa structure d’exercice est au cœur de cette tendance dans son environnement professionnel et son écosystème.
À l’instar du monde économique et social, le conseil – entrepreneur lui-même - peut réfléchir à sa propre mutation pour intégrer les outils internes permettant d’anticiper le conflit, et de l’accueillir s’il devait surgir sans mettre en péril son exercice.
Ceci est d’autant plus possible que l’avocat devient un acteur de solutions, et non plus seulement le guerrier, le procédurier ou encore le sauveur.
Aussi, pour dans sa démarche entrepreneuriale, tout(e) associé(e) en devenir doit se poser les questions sur son avenir et celui de la structure qu’il rejoint ou crée. L’objectif n’est pas juridique, il est humain.
La culture du dialogue se pose dans la genèse du projet avant de prendre forme juridiquement.
Il est important que le projet personnel et commun soit clair, dans sa dimension humaine, culturelle, structurelle et économique.
Dans un premier temps, ce travail de clarification est introspectif.
Plusieurs questions permettent de baliser cette étape. L’association répond-elle à un besoin personnel et professionnel ? Mon exercice professionnel passe-t-il nécessairement par l’association ? Mon activité a-t-elle besoin d’un exercice en commun ? Suis-je capable de me projeter dans une équipe ? Que vais-je apporter à cette association ? Que va m’apporter cette association ? Quel type de clientèle pourrai-je accompagner et développer ? Ai-je envie d’être avocat toute ma vie ? Quels sont mes besoins financiers aujourd’hui, dans 1 an, dans 5 ans, dans 10 ans ? Quelles seront mes charges sociales ? Et ma retraite ?
Un exercice très simple et utile est de poser les avantages et inconvénients dans un tableau. Cela révèle souvent les besoins, et les valeurs personnelles.
Il ne s’agit pas d’une thérapie, quoiqu’elle puisse être utile parfois, mais d’une approche de soi pour être en ligne avec le projet envisagé et le rapport aux autres parties prenantes.
À ce stade, les besoins des autres parties prenantes sont tout aussi importants, car leur connaissance sera déterminante pour définir la compatibilité avec les siens, et construire les outils pour qu’ils puissent cohabiter dans l’intérêt collectif.
Connaître son ou ses associés est une chose. Il n’est pas utile de le connaître dans son intimité. Suivant la taille de la structure projetée, il peut être néanmoins souhaitable de disposer au minimum d’une information croisée sur les souhaits et ambitions de chacun(e) car il y aura nécessairement des impacts sur la vie de l’exercice professionnel en commun.
L’intérêt croisé sur chaque personnalité permettra de poser clairement les sujets du rapport à la qualité de vie, de l’équilibre entre-temps de travail et temps personnel et du rapport à l’argent.
Tout ceci peut permettre d’exprimer clairement la raison d’être du projet.
Toutes ces considérations, matérielles et philosophiques, sont importantes pour ne pas réduire l’engagement à un contrat d’adhésion sans âme.
Bien souvent, dans les litiges entre associés, les difficultés font surgir une distorsion de visions dans la genèse même du projet dû à un manque de dialogue ou de clarification dans les échanges, laissant place à des projections personnelles ou des sous-entendus contraires à la réalité des uns et des autres.
C’est souvent le rapport à l’argent qui fait surgir les différences sur le rapport à la vie professionnelle et personnelle. Il est fréquent de voir les tensions liées à des chiffres d’affaires en déséquilibre, avec des analyses sur la typologie de la clientèle et de la rentabilité d’un associé qui serait « moins investi » ou « en décalage avec le projet ».
Chacun(e) est évidemment libre d’évoluer. La vie n’est pas marmoréenne. Précisément en raison de cet aléa, la culture du dialogue peut aussi s’inscrire dans les engagements écrits.
Le point important est que toutes les étapes de la vie « juridique » de l’association peuvent être envisagées par le recours à une technique de communication non violente, en adoptant les mots de la négociation raisonnée.
L’innovation contractuelle serait de poser clairement le recours à ces techniques par l’usage des mots en fixant le principe que l’échange sur les intérêts communs et divergents serait privilégié.
Les statuts et les pactes d’associés peuvent accueillir ces améliorations. Des chartes avec des principes directeurs de la vie en commun pourraient même être envisagées dans une approche systémique de la relation professionnelle.
Au-delà des intentions, le risque de la discorde et donc du conflit existera toujours dans la relation directe entre les personnes concernées.
Une clause de médiation peut ainsi être une réponse en posant le principe du recours à un médiateur, tiers neutre, impartial et indépendant, qui aura le mérite de donner encore une chance au dialogue et au respect des positions de chaque associé concerné.
Le recours à la médiation aura également l’intérêt de permettre une expression libre des désaccords, dans un cadre sécurisé et strictement confidentiel, et donc sans conséquence sur l’éventualité d’une séquence ordinale et/ou procédurale qui pourrait naître en l’absence d’accord.
Le choix du médiateur est un sujet important qu’il sera prudent de fixer dans l’engagement initial, soit par la désignation d’une personne nommée, soit par la désignation d’une entité tierce qui désignera en son sein une médiatrice ou un médiateur.
Les frais pourront être pris en charge par la structure, étant dans l’intérêt social de parvenir à une solution apaisée.
Par l’anticipation, le conflit, s’il devait surgir, pourra être accueilli par la mise en place d’outils propres à en définir les contours et à éviter – autant que possible – une déflagration dont les conséquences pourraient être graves pour l’exercice professionnel, pour le service attendu par les clients et donc pour la rentabilité de l’entreprise.
C’est en ce sens que je crois que la responsabilité sociale des entreprises d’avocats se pose dans les mêmes termes que toute entreprise engagée dans son écosystème.


Rédigé par le Jeudi 2 Juin 2022 | Commentaires (0)

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